BJDA N° 66

NOVEMBRE — DECEMBRE 2019

CONTENU SOUMIS AUX DROITS D’AUTEUR : SOUS LICENCE CREATIVE COMMONS BY-NC-ND

CITEZ-NOUS DE LA FAÇON SUIVANTE :

Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution, décision n° 2019-01 du 25 nov.2019 bjda.fr 2019 n° 66, note L. Lefebvre

Sanction par l’ACPR d’un assureur construction étranger intervenant en France sous le régime de la Libre Prestation de Services (LPS)  

ACPR décision n° 2019-01 du 25 nov. 2019

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ACPR – Commission des Sanction – Assurance construction – LPS – Assureur Etranger (Gibraltar) – Interdiction de commercialisation

L’assurance construction distribuée en France sous le régime de la LPS met depuis plusieurs années le marché européen de l’assurance à l’épreuve. Au-delà d’un cadre juridique français très spécifique, l’objet de l’assurance « décennale » dérive depuis longtemps de la couverture d’un risque de responsabilité civile à la caution d’entreprises souvent déresponsabilisées[1]. Certains organismes étrangers sans doute, comme leurs autorités de contrôle, insuffisamment aguerries, s’étant lancés dans l’aventure en ont été pour leurs frais et ceux des assurés et partenaires (intermédiaires et gestionnaires). Au rang des organismes ayant défrayé la chronique, on citera Gable, Qudos ou CBL en lien avec le courtier grossiste Alliage Assurances (ex-SFS). 250 000 assurés seraient aujourd’hui sans couverture du fait de la disparition ou les défaillances de l’organisme d’assurance intervenu en France sous le régime de la LPS.

Cette situation a mis en lumière aussi bien la persistance des frontières au sein de l’Europe en ce qui concerne l’assurance de risques très particuliers dont les règles ne sont pas harmonisées que la carence du système « home country control », le superviseur local de l’organisme paraissant moins légitime et compétent que celui de situation du risque pour assurer la protection des assurés et/ou le respect des règles de provisionnement.

A cet égard, l’affaire Elite constitue un début de réponse et une tentative de l’ACPR de rétablir un équilibre en affirmant son pouvoir disciplinaire sur une entreprise étrangère.

En l’occurrence, Elite Insurance Company Ltd, organisme soumis à l’autorité de la Commission des services financiers de Gibraltar, avait dû, sur décision de cette dernière, cesser à compter du 5 juillet 2017 la distribution de nouveau contrats et limiter son activité à la gestion de sinistres survenus ou potentiels (run-off).

Ayant constaté qu’entre le 17 mai et le 19 octobre 2018, Elite n’avait pas, du fait notamment de son délégataire, été en mesure d’assurer ou de faire assurer la gestion des sinistres, l’ACPR avait initié une procédure disciplinaire le 24 janvier 2019. Sans autre explication et sans tenir compte de la reprise de la gestion intervenue avant même le lancement de la procédure de sanction, Elite était condamnée à une interdiction de commercialiser ses produits en France pendant deux ans pour manquement à l’article L. 113-5 du Code des assurances français disposant que : « lors de la réalisation du risque ou à l’échéance du contrat, l’assureur est tenu de payer dans le délai convenu l’indemnité ou la somme déterminée d’après le contrat ».

D’emblée, on soulignera l’intérêt très relatif d’interdire la commercialisation de produits à un organisme déjà placé par son autorité de contrôle en run-off. Comme l’a justement relevé un auteur, il s’agit sans doute d’une décision pour l’exemple dont l’opportunité n’est pas véritablement démontrée[2].

On s’interrogera davantage sur les fondements juridiques invoquées par l’ACPR, à savoir les articles L. 363-4 du Code des assurances et L. 612-39 du Code monétaire et financier, censés ouvrir une brèche lui permettant d’exercer un pouvoir disciplinaire à l’encontre d’un organisme pourtant soumis à autorité d’un autre superviseur.

Selon l’ACPR, il résulterait de la combinaison de ces textes un pouvoir général à son profit de prononcer : « à l’encontre d’un organisme d’assurance agréé dans un autre Etat de l’Union Européenne qui exerce en libre prestation de service ou en liberté d’établissement, le blâme ou une interdiction d’effectuer certaines opérations et tout autre limitation dans l’exercice de l’activité pendant une période qui ne peut excéder dix ans ».

Loin d’être général, ce pouvoir est en réalité strictement limité par la loi aux cas où « l’entreprise persiste à enfreindre les règles qui s’imposent à elle […] et si les circonstances l’exigent »[3], ce qui conduit à rendre la décision rapportée très critiquable en droit.

En l’espèce, il était admis que l’interruption de gestion n’avait été que temporaire et que, en tout état de cause, il avait été remédié à la situation au moment du prononcé de la sanction. En outre, l’article L. 113-5 du Code des assurances fondement de la décision est sans rapport avec la gestion des sinistres et se rapporte simplement à l’obligation de l’assureur de régler la prestation d’assurance déterminée selon les modalités contractuelles, ce qui n’avait jamais été ni discuté ni contesté.

Il est probable que cette décision ne fasse l’objet d’aucun recours, faute d’incidence réelle de la sanction sur l’activité d’Elite non destinée à commercialiser de nouveaux produits en France. On le regrettera dans la mesure où l’ACPR a probablement excédé ses pouvoirs. L’interprétation très large par l’ACPR de son pouvoir dérogatoire de sanction d’un assureur étranger risque d’ailleurs de créer une confusion sur le marché européen et d’empêcher les réformes, coopérations et harmonisation dont la nécessité avait été mise en lumière les difficultés liées à l’assurance construction.

Lionel Lefebvre
Avocat
Cabinet Orid

L’arrêt  :

Vu la lettre du 4 février 2019 par laquelle le Président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ci-après l’« ACPR ») informe la Commission de ce que le Collège de supervision de l’ACPR (ci-après le « Collège »), statuant en sa formation sectorielle de l’assurance, a décidé d’ouvrir une procédure disciplinaire à l’encontre de la société Elite Insurance Company Limited (ci-après « Elite »), domiciliée, Suite 23, Portland House, Glacis Road à Gibraltar, enregistrée sous le no 2019-01 ;

Vu la notification des griefs du 4 février 2019 ;

Vu les mémoires en défense des 29 août et 1er octobre 2019, par lesquels Elite ne conteste pas l’interruption du traitement des sinistres déclarés par les assurés à compter du 17 mai 2018 mais soutient i) que celle-ci est la conséquence de décisions prises par l’ancienne équipe dirigeante et des carences des sociétés [C1] et [C2] auxquelles la commercialisation des contrats et la gestion des sinistres avaient été respectivement déléguées, ii) qu’elle ne pouvait, au regard des risques encourus par les souscripteurs, attendre d’avoir une solution de remplacement avant de révoquer le mandat confié à ces deux sociétés et que iii) des mesures ont été adoptées dans l’intérêt des assurés qui ont permis de rétablir dès septembre 2018 une gestion saine et régulière des sinistres, ce qui par voie de conséquence, a mis fin au manquement reproché ;

Vu le mémoire en réplique du 18 septembre 2019, par lequel M. Francis Assié, représentant du Collège, souligne i) que les actions engagées par le nouvel actionnaire qui, dans un premier temps, a notamment transféré la gestion des sinistres à une autre société, ont eu pour effet d’aggraver la situation en interrompant totalement cette gestion, et ii) qu’en tout état de cause, les actions de remédiation sont pour l’essentiel postérieures au rapport de contrôle et à l’ouverture de la procédure disciplinaire et demeurent donc sans conséquence sur la caractérisation du grief, qui est maintenu ;

Vu le rapport du 7 octobre 2019 de Mme Claudie Aldigé, rapporteure, dans lequel celle-ci conclut que l’unique grief est établi ; qu’il peut toutefois être relativisé, compte tenu des éléments produits par la société démontrant qu’elle a rétabli la gestion de tous les sinistres connus ; qu’il pourra être tenu compte également de ce que les nouveaux dirigeants d’Elite ont hérité d’une situation compromise, en raison des erreurs de gouvernance passées et de la faillite du réassureur de la société ; Vu les courriers du 7 octobre 2019 convoquant les parties à l’audience, ainsi que la Direction générale du Trésor, et les informant de la composition de la Commission ; Décision de la Commission des sanctions – procédure no 2019-01

Vu les autres pièces du dossier, notamment le rapport de contrôle du 12 décembre 2018 […] ainsi que les documents produits par le représentant du Collège et par Elite à la demande de la rapporteure ;

Vu le code monétaire et financier (ci-après le « CMF »), notamment ses articles L. 612-38, L. 612-39, R. 612-35 à R. 612-51, dans leur rédaction applicable au moment du contrôle ;

Vu le code des assurances, notamment ses articles L. 113-5 et L. 363-4 ;

Vu le règlement intérieur de la Commission des sanctions ;

La Commission des sanctions de l’ACPR, composée de M. Rémi Bouchez, Président, Mme Claudie Boiteau, M. Francis Crédot, M. Christian Lajoie et M. Denis Prieur ;

Après avoir entendu, lors de sa séance non publique du 8 novembre 2019 :

– Mme Aldigé, rapporteure, assistée de M. Fabien Patris ;

– M.. Assié, représentant du Collège, assisté de l’adjointe au directeur des affaires juridiques, de l’adjoint au chef du service des affaires institutionnelles et du droit public, ainsi que de [deux] juristes au sein de ce service ; M. Assié a proposé à la Commission de prononcer une interdiction de commercialiser de nouveaux contrats sur le territoire français pendant une période qui ne soit pas inférieure à 3 ans dans une décision publiée sous une forme nominative pendant la durée de l’interdiction ;

– La société Elite, représentée par le directeur juridique et de la conformité [du groupe B], assisté de [deux] gestionnaires de sinistres au sein de ce groupe, ainsi que par Mes Yannis Samothrakis et Olga Jefremova, avocats à la Cour (cabinet Clyde & Co) ;

Après avoir délibéré en la seule présence de M. Bouchez, Président, Mme Boiteau, M. Crédot, M. Lajoie et M. Prieur, ainsi que de M. Jean-Manuel Clemmer, chef du service de la Commission des sanctions faisant fonction de secrétaire de séance ;

  1. Considérant qu’Elite est une entreprise d’assurance agréée à Gibraltar en 2004, qui proposait plusieurs types d’assurance non-vie dans divers pays européens (France, Espagne, Irlande et Royaume-Uni) ; qu’entre 2009, début de son activité en France, et juillet 2017, elle y a commercialisé, en libre prestation de services, un peu plus de 140 000 contrats d’assurance construction (dommage-ouvrage, responsabilité civile décennale et professionnelle, assurance tous risques de chantier, garanties financières dachèvement et garanties de livraison) ;Faits et procédure
  2. Considérant, en premier lieu, qu’Elite avait, pour l’essentiel, confié la commercialisation des contrats et l’encaissement des primes à des sociétés du groupe [C], créé en 2002 (75 % des souscriptions) ; qu’il s’agissait, pendant la quasi-totalité de la période d’activité d’Elite, de la société [C1] ; que le groupe [C] apportait ainsi à Elite la plus large part de son chiffre d’affaires (47,6 millions d’euros de primes en 2016, soit près des deux tiers des primes encaissées par Elite cette année-là), la contribution des autres intermédiaires, dont la société [D] qui en commercialisait 16 %, étant plus réduite ; que, par ailleurs, aux termes d’une convention de délégation de gestion du 1er octobre 2015, la gestion des sinistres avait été déléguée à la société [C2], qui est également une société du groupe [C] ;
  3. Considérant, en deuxième lieu, que le portefeuille de contrats d’Elite faisait l’objet d’une cession en réassurance à hauteur de 80 ou 90 % selon les garanties et l’année de souscription auprès de [la société de réassurance E] ; qu’en janvier 2017, [E] qui contrôlait déjà [D] depuis 2011, a acquis 71 % du capital de [C3], tête du groupe [C] ; qu’ainsi, à compter de cette date, [E] contrôlait à la fois l’essentiel de l’activité de souscription des contrats et la gestion des sinistres d’Elite et réassurait l’essentiel de ses contrats ; que, de plus, le 23 mars 2017, Elite a conclu, avec [E] directement, un contrat de délégation de souscription et de gestion des sinistres dénommé « Delegated Authority Agreement » (DAA) ; qu’à la suite de la conclusion de ce contrat, Elite a cessé en mai 2017 de répondre aux appels de fonds de [C2] pour la gestion des sinistres ; qu’une clause de substitution de la convention de gestion conclue entre Elite et [C1] a été mise en œuvre, qui permettait à cette dernière de puiser directement sur le compte de primes d’Elite ;
  4. Considérant, en troisième lieu, que le 28 juillet 2017, la Gilbratar Financial Services Commission (ciaprès la « GFSC ») a indiqué avoir, dans le cadre de ses contrôles, identifié des risques résultant de la gouvernance d’Elite, de ses délégations de souscription et de ses processus de provisionnement des sinistres ; qu’elle a annoncé la décision d’Elite, à compter du 5 juillet 2017, de se placer en situation de runoff (liquidation de portefeuille) solvable, dans laquelle cette société continue de gérer les sinistres survenus ou potentiels mais cesse de commercialiser de nouveaux contrats ; que le 1er février 2018, Elite a été rachetée par la société [B1], appartenant au groupe d’assurance [B] spécialisé dans la gestion d’entreprises en run-off ;
  5. Considérant, en quatrième lieu, que le 26 février 2018, [E] a été mise en liquidation temporaire (« interim liquidation ») […], procédure présentant des similarités avec la procédure française de redressement judiciaire ; qu’en conséquence, Elite a mis en place un protocole prévoyant une restriction partielle des paiements (« restricted payment protocol ») le 13 avril 2018 ; qu’à la suite de la nomination d’un liquidateur de [E], Elite a mis fin le 18 avril 2018 à l’accord DAA mentionné ci-dessus ; qu’enfin la liquidation de [E] a été ordonnée le 23 novembre 2018 ; que le 9 mai 2018 Elite, reprise quelques mois plus tôt, ainsi que cela été indiqué, par le groupe [B], a décidé de procéder à deux audits respectivement conduits chez [C1] et [C2] ;
  6. Considérant, enfin, qu’une mission de contrôle sur place portant sur les activités d’assurance construction de la société Elite en France, étendue le 7 juin 2018 à l’activité des sociétés du groupe [C] en France puis, le 26 juillet 2018, aux sociétés [F] et [G] auxquelles la gestion des sinistres a un temps été confiée par Elite, a été conduite du 17 mai au 8 août 2018 ; qu’au vu du rapport de contrôle du 12 décembre 2018, le Collège, statuant en sa formation de sous-collège sectoriel de l’assurance, a décidé, lors de sa séance du 24 janvier 2019, d’ouvrir la présente procédure disciplinaire à l’égard de la société Elite ;Examen du grief
  7. Considérant que selon l’article L. 113-5 du code des assurances : « Lors de la réalisation du risque ou à l’échéance du contrat, l’assureur doit exécuter dans le délai convenu la prestation déterminée par le contrat et ne peut être tenu au-delà. » ;
  8. Considérant que, selon le grief unique, fondé sur ces dispositions, Elite a, le 17 mai 2018, résilié la convention qu’elle avait conclue avec [C2] ; qu’en conséquence, la gestion effective de tous les sinistres en France a été interrompue ; qu’Elite n’a pas respecté l’injonction qui lui avait été faite le 31 juillet 2018 de remédier à cette situation dans un délai d’un mois mais a seulement indiqué qu’elle réglait les sinistres les plus urgents ; qu’elle a ensuite tenté de s’appuyer sur deux gestionnaires externes, les sociétés [F] et [G], avant de constituer une équipe destinée à reprendre cette gestion en interne ; qu’en application de l’article 155 de la directive 009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (Solvabilité II) et de l’article L. 363-4 du code des assurances, l’ACPR a, le 1er octobre 2018, saisi la GSFC et lui a demandé de prendre toutes mesures appropriées afin qu’Elite mette fin à cette situation irrégulière ; que le 19 octobre 2018, la GFSC a annoncé une reprise partielle du règlement des sinistres, concernant principalement ceux déclarés depuis début septembre 2018 ; qu’Elite a donné par courriels des 30 novembre 2018 et 8 janvier 2019, des éléments sur le traitement des sinistres, mais sans communiquer de justificatifs ; qu’elle a indiqué le 14 janvier 2019, mais sans fournir aucun document justificatif, que, sur les 2 500 sinistres déclarés entre le 17 mai et le 9 novembre 2018, 670 se seraient révélés être des doublons, et que 400 seulement auraient pu être enregistrés dans le système de gestion, dont 62 auraient été clos avec des règlements peu substantiels, et que pour les autres sinistres, le travail de collecte se poursuivait sans aucune estimation des montants ; que, par ailleurs, aucune information précise sur la reprise et l’avancement de la gestion des 8 500 sinistres déclarés avant le 17 mai 2018 n’a été fournie ;
  9. Considérant qu’Elite ne conteste pas que la gestion de tous les sinistres déclarés par sa clientèle française a été interrompue le 17 mai 2018 ; qu’il n’est pas contesté non plus que si elle a alors cherché à confier cette gestion à de nouveaux partenaires, cela n’a pas permis pour autant de rétablir la situation ; que ce n’est qu’à compter de septembre 2018 que la gestion effective des sinistres a été reprise par une équipe interne ; qu’ainsi, il est patent que pendant plusieurs mois, Elite n’a pas été en mesure de respecter les obligations qui lui incombent en application de l’article L. 113-5 du code des assurances, alors même que, pendant cette période, un nombre important de dossiers de sinistres étaient en cours et que d’autres sinistres sont survenus ; que la circonstance que cette situation résulte en grande part des défaillances et négligences de tiers auxquels ces fonctions avaient été déléguées est sans conséquence sur la responsabilité de la société Elite au titre des faits qui lui sont reprochés, dès lors qu’elle est, au sens de cet article, l’assureur ; qu’au surplus, cette situation témoigne, à tout le moins, des défauts de l’organisation mise en place à cette période par Elite et d’une absence de vigilance de sa direction sur l’activité de ses délégataires ; qu’ainsi le grief est établi ; qu’un tel manquement à une obligation fondamentale de l’assureur vis-à-vis des assurés revêt une particulière gravité ;
  10. Considérant, cependant, qu’il convient de tenir compte de ce que c’est à la suite des audits diligentés chez [C1] et [C2] en mai 2018 par Elite, à l’initiative de son nouvel actionnaire, que les relations avec ces deux sociétés ont été interrompues, dès lors qu’il est notamment apparu que [C2] ne mettait plus correctement en œuvre les garanties dommage ouvrage, ne payait plus les experts missionnés et se bornait à renvoyer les assurés victimes de sinistres vers la société [C1], alors que cette dernière faisait l’objet d’une mesure d’interdiction d’exercer par le Commissariat aux assurances luxembourgeois ; que, par ailleurs, Elite a produit dans la présente procédure des éléments relatifs aux actions correctrices mises en œuvre qui ont, selon elle, permis de rétablir une gestion saine et efficace des sinistres ; qu’ainsi, il a été indiqué lors de l’audience qu’une équipe composée de 9 personnes compétentes en matière d’assurance construction et exclusivement dédiée à ces dossiers s’occupe désormais de la gestion des contrats ; que, selon Elite, sur les 8 502 sinistres déclarés avant mai 2018, 5 374 dossiers ont été clôturés et 3 128 demeurent en cours d’instruction ; que sur les 2 500 déclarations de sinistres intervenues entre le 18 mai et le 9 septembre 2018, 728 déclarations ont été identifiées comme étant des doublons de dossiers plus anciens, tandis que 1 738 dossiers se trouvent en cours d’instruction et que 34 dossiers ont été clôturés ; que ces éléments témoignent d’une volonté de remédier aux carences de la gestion antérieure ;

* * *

  1. Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 363-4 du code des assurances combinées à celles de l’article L. 612-39 du code monétaire et financier auquel il renvoie, les sanctions qui peuvent être prononcées à l’encontre d’un organisme d’assurance agréé dans un autre État de l’Union européenne qui exerce en libre prestation de service ou en liberté d’établissement sont l’avertissement, le blâme ou une interdiction d’effectuer certaines opérations et toutes autres limitations dans l’exercice de l’activité pendant une période qui ne peut excéder dix ans, sans que puisse être prononcée en outre ou alternativement une sanction pécuniaire ; qu’il y a lieu, en tenant compte de l’ensemble des éléments mentionnés ci-dessus (considérants 9 et 10), de prononcer à l’encontre de la société Elite une interdiction de commercialiser en France des contrats d’assurance pendant une période de 2 ans ;
  2. Considérant qu’Elite soutient que la publication de la présente décision sous forme nominative aurait pour conséquence de pénaliser une entreprise qui, à la suite de son changement d’actionnaire, a fourni des efforts considérables pour mettre fin au manquement reproché ; que toutefois, au regard de la gravité de celuici, il y a lieu de publier cette décision au registre de l’ACPR sous cette forme pendant 2 ans ; qu’elle y sera ensuite maintenue sous une forme ne mentionnant plus le nom de l’organisme sanctionné ;

Décision de la Commission des sanctions – procédure no 2019-01

PAR CES MOTIFS DÉCIDE :

ARTICLE 1 E R – Il est prononcé à l’encontre de la société Elite Insurance Company Limited une interdiction de commercialiser des contrats d’assurance sur le territoire français pendant deux ans.

ARTICLE 2 – La présente décision sera publiée au registre de l’ACPR pendant deux ans sous une forme nominative, puis sous une forme anonyme, et pourra être consultée au secrétariat de la Commission. Le Président de la Commission des sanctions [Rémi Bouchez] Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans un délai de deux mois à compter de sa notification et dans les conditions prévues au III de l’article L. 612-16 du code monétaire et financier.

[1] Une entreprise de construction sur trois fait faillite au bout de trois ans.

[2] « ACPR/Elite Insurance : une sanction pour l’exemple ? » Stéphane Choisez, LTA 2019 (dec).

[3] C. assur., art. L. 363-4 : « Lorsqu’une entreprise d’assurance ou de réassurance opérant sur le territoire de la République française en libre prestation de services ou en liberté d’établissement ne respecte pas les règles qui s’imposent à elle, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution enjoint à l’entreprise concernée de mettre fin à cette situation irrégulière.

Si l’entreprise n’obtempère pas à l’injonction qui lui est ainsi adressée, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution en informe l’autorité de contrôle de l’Etat membre d’origine de l’entreprise et lui demande de prendre toutes mesures appropriées pour que l’entreprise mette fin à cette situation irrégulière.

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut, en outre, saisir l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles conformément à l’article 19 du règlement (UE) n° 1094/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010.

Si l’entreprise persiste à enfreindre les règles qui s’imposent à elle, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut, si les circonstances l’exigent et après en avoir informé l’autorité de contrôle de l’Etat membre d’origine, prendre les mesures appropriées pour faire cesser cette situation irrégulière. Elle peut ainsi prononcer, dans les conditions fixées au IV de l’article L. 612-16, à l’article L. 612-38 et aux dixième et treizième alinéas de l’article L. 612-39 du code monétaire et financier, les sanctions prévues aux 1° à 3° et au neuvième alinéa de l’article L. 612-39. L’autorité peut également, dans les mêmes conditions, suspendre le mandataire général et interdire à l’entreprise de continuer de conclure des contrats d’assurance ou de réassurance sur le territoire de la République française. »

 

Sommaire n°66 - Novembre/décembre 2019

 

ARTICLES

 

S. ABRAVANEL-JOLLY, La faute intentionnelle ou dolosive en droit des assurances, Intervention au Congrès international du droit des assurances à Madrid, octobre 2019

A. ASTEGIANO-LA RIZZA, L’étendue de la garantie dans le temps en assurance responsabilité civile,Intervention au Congrès international du droit des assurances à Madrid, octobre 2019

R. BIGOT, Dixième anniversaire de l’article L. 133-8 du Code de commerce : retour sur un contentieux décennal de la faute inexcusable du transporteur de marchandises (à propos de Cass. com. 25 sept. 2019, n° 18-12265).

 

NOTES ET OBSERVATIONS

 

Contrat d’assurance - droit commun

M. ASSELAIN, Conditions de la transmission de l’assurance à l’acquéreur de la chose assurée,Cass. 2e civ., 24 oct. 2019, n° 18-15994, PB

►Autres arrêts à signaler

Cass. 2e civ., 24 oct. 2019, n° 18-20039 : C. assur., art. L. 121-7 – Véhicule semi-remorque aménagé en espace habitation et atelier – Destruction par incendie à la suite de l’embrasement d’un spot halogène – Exclusion du vice propre de la chose assurée – Vice propre du spot halogène (non).

Cass. 2e civ., 3 oct. 2019, n° 18-19916 : Contrat d’assurance professionnelle santé  - Nullité du contrat d’assurance opposé par l’assureur pour fausse déclaration intentionnelle dans le questionnaire de santé – Renonciation de l’assureur – La seule poursuite de la perception de primes postérieurement à la connaissance qu'avait l'assureur de la possibilité d'une fausse déclaration dans le questionnaire de déclaration du risque ne vaut pas renonciation de sa part à se prévaloir de l'application de l'article L. 113-2, 2° du code des assurances – Affirmation de principe –Absence d’analyse des circonstances dans lesquelles était intervenue la poursuite de la perception des primes en cause – Absence de caractérisation de la volonté ou de l’absence de volonté non équivoque de renoncer à se prévaloir de la nullité du contrat

 

Assurance de responsabilité civile

A. CAYOL, Caractère indemnitaire de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), Cass. 1reciv., 24 oct. 2019, n° 18-21339, PB

A. CAYOL, Préjudices indemnisables en cas de décès de la victime, Cass. 1re civ., 26 sept. 2019, n° 18-20924

 

Assurance des risques divers

Ph. CASSON, L’assurance pour compte suppose un accord de volonté de l’assureur et du souscripteur, Cass. 2e civ., 24 oct. 2019, n° 18-21363

 

Assurance de groupe / collective prestations sociales

B. NERAUDAU, Prévoyance collective et notice d’information, Prévoyance collective et notice d’information, Cass. 2e civ., 24 oct. 2019, n° 18-20016

 

Assurance automobile

C. LORTON, La réaffirmation de l’appréciation souveraine du juge dans l’évaluation du préjudice corporel : Focus sur les besoins d’une victime d’un accident de la route, Cass. crim., 5 nov. 2019, n° 18-85549

A. GERIN, Allocation Adulte Handicapé et préjudice économique après décès : quand la solidarité nationale rentre dans le champ de la réparation intégrale, Cass. 2e civ., 24 oct. 2019, n° 18-14211, PB

A. CAYOL, Accident de la circulation en présence d'un fait volontaire de la victime,  Cass. 2e civ., 24 oct. 2019, n° 18-20910, PB 

Ph. CASSON, Le préjudice d’agrément doit être réparé distinctement du DFP, Cass. 2e civ., 24 oct. 2019, n° 18-19653 

 A. CAYOL, Indemnisation d’un lycéen victime d’un accident de la circulation, Cass. 2e civ., 24 sept. 2019, 18-82605

C. CERVEAU-COLLIARD, L’assistance de la victime d’un accident de la circulation par un avocat, Cass. 1re civ., 25 sept. 2019, n° 19-13413, QPC

►Autres arrêts à signaler

Cass. 2e civ., 24 oct. 2019, n° 18-21339, PB : ONIAM – C. santé publ., art. L. 1142-1 - Infection nosocomiale à l’origine du décès du patient d’abord lourdement handicapé – Prise en charge par l’ONIAM (oui) – Caractère indemnitaire de l’assistance tierce personne (non) – Déduction (non).

Cass. 2e civ., 24 oct. 2019, n° 18-16257 : Compagnie d’assurance en redressement judiciaire – FGAO

 

Assurance construction

G. CASU, La responsabilité de l’assureur dommages-ouvrage : subtil équilibre entre le « trop » et le « pas assez », Cass. 3e civ., 17 oct. 2019, n° 18-11103

J. MEL, Quand l’expert DO est condamné à la réparation du dommage de nature décennale, Cass. 3e civ., 17 oct. 2019, n° 18-16385

►Autres arrêts à signaler

Cass. 2e civ., 24 oct. 2019, n° 18-20755 :  Assurance multirisque des entreprises constructions - Clause d’exclusion travaux de l’assuré- Rejet provision

Cass. 3e civ., 7 nov. 2019, n° 18-20332 : Assurance RC décennale – Preuve de la réception expresse ou tacite des travaux rapportée (non) – Condition de la mise en œuvre de la garantie (non) – Preuve à établir par l’expert judiciaire (oui).

Cass. 3e civ., 7 nov. 2019, n° 18-18318 : Assurance RC décennale – Démontage ou remplacement des installations avec détérioration ou enlèvement de matière des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert de l'ouvrage principal - Eléments d’équipement (non).

 

DIP des assurances

►Arrêts à signaler

Cass. 1re civ., 3 oct. 2019, n° 18-20286 : Assuré dont le siège et les locaux sont à Andorre  Contrat multirisque pour les locaux- Sinistre dégât des eaux – Assignation de l’assuré par l’assureur devant le tribunal de commerce de Paris - Règlement (UE) n° 1215/2012, art. 15 -  « les conventions attributives de juridiction peuvent être librement conclues par les assureurs européens avec un assuré domicilié dans un Etats tiers, sauf s'il s'agit d'une assurance obligatoire ou qui porte sur un immeuble situé dans un Etat membre » - Violation du texte par les juges du fond.

 

Entreprise d'assurance / ACPR

L. LEFEBVRE,  ACPR, Quel impact de l’avis du CCSF sur l’activité de distribution de produits d’assurance par téléphone ?, Avis 19 nov. 2019 

L. LEFEBVRE, Sanction par l’ACPR d’un assureur construction étranger intervenant en France sous le régime de la Libre Prestation de Services (LPS), ACPR, décision Elite Insurance 25 nov. 2019

 

Procédure et assurance

►Arrêts à signaler

Cass. 2e civ., 24 oct. 2019, n° 18-20755 : Assurance multirisques des entreprises de la construction – Garantie installation de chauffage - Installation d’un poêle à granulés – art. 809 CC – Provision - Obligation sérieusement contestable

Cass. 2e civ., 24 oct. 2019, n° 18-19745 : CPC, art. 12 – Assureur RC condamné dans la limite du plafond et de la franchise sans appliquer les conditions particulières – Nécessité de préciser le fondement de l’inapplication des conditions particulières  (oui).

Cass. 2e civ., 3 oct. 2019, n° 18-19981 : Accident de la circulation –Expert nommé par le juge des référés – Demande d’annulation du rapport d’expertise judiciaire par la victime – Absence effective de transmission du pré-rapport d’expertise

Cass. 2e civ., 3 oct. 2019, n° 18-13640 : Accident de la circulation – Placement d’un des conducteurs en redressement puis liquidation judiciaire – Pourvoi en cassation – C. com., art. L. 622-9, dans sa rédaction applicable à la Polynésie française, Pourvoi seulement possible pour la partie ayant un caractère alimentaire – Irrecevabilité du pourvoi formé hors la présence du liquidateur judiciaire – Action tendant à la réparation du préjudice esthétique, exclusivement attachée à sa personne – Qualité pour l’exercer seul (oui).

Cass. crim., 5 nov. 2019, n° 18-86452 : Présentation d’une fausse attestation d’assurance construction – Perte de chance d’être indemnisé (oui)

TEXTES-VEILLE

 

Proposition de loi visant à réformer le régime des catastrophes naturelles :